1ers chapitre Sophie - Une belisama.
1 La belle époque
Accoudée à une petite table en terrasse, vêtue d’une de mes nouvelles robes à la mode, je bois un café tout en fumant une cigarette. J’observe avec attention et minutie les hommes qui traversent la route tout en étant à l’affût du moindre bruit qui court sur une éventuelle soirée organisée. J’ai pour habitude de m’y rendre sans invitation particulière et y passe souvent un très bon moment sans trop me faire remarquer. La fin de la semaine approchant, il doit forcément y avoir une réception en vue.
Je ne sais pas si c’est mon regard trop insistant ou l’alcool qui a trop coulé dans les veines de l’homme qui se trouve sur le trottoir en face du café où je me trouve, mais celui-ci se dirige d’un pas pressé dans ma direction. Sans me demander la permission, il se vautre sur la chaise libre à mes côtés.
Le rustre !
Ma bonne humeur descend à grande vitesse lorsque les relents d’alcool émanant de lui imprègnent mes sinus et qu’il se permet de poser une main sur ma jambe nue. Choquée, je me lève et m’apprête à m’en aller lorsqu’il me retient au dernier moment, écrasant mon bras un peu trop fort au creux de sa main moite. Dégoûtée, je fais volteface pour me retrouver devant lui, mais Il m’entraîne à l’écart tandis que je lui ordonne de me lâcher en me débattant de toutes mes forces.
De nouveau face à moi, je ne me gêne pas pour détailler les traits de son visage. Sans être vraiment moche l’homme en question n’est pas franchement l’un des plus beaux partis et est visiblement d’un âge plus mûr, que moi. Peut-être même un peu trop vieux, selon mes critères.
— Monsieur, veuillez me lâcher s’il vous plaît, et me laisser partir.
— Oh ! Nous ne sommes pas pressés, belle femme.
— Vous sentez fort l’alcool, vous devriez rentrer chez vous.
— Je bois pour ma femme décédée, me confesse-t-il.
— J’en suis désolée, mais veuillez me laisser le passage.
— J’ai de l’argent, tu sais. Tu as l’air d’aimer les jolies choses, je pourrais facilement partager avec toi.
Je lève les yeux au ciel, cet homme est un idiot fini.
— Vous avez trop bu, dis-je en soupirant d’impatience.
— Pas du tout, me contredit-il.
— Je ne cherche pas d’époux. Allez plutôt voir une agence matrimoniale, il y en a plein la ville qui regorge de belles femmes.
— Hum
J’arrive à lui échapper en le bousculant avec force et me retrouve dans une rue un peu plus animée, mais l’homme revient rapidement à la charge en m’attrapant par le cou. Un passant s’arrête, observe la scène mais mon assaillant, le fait déguerpir d’un geste de la main. L’homme reprend son chemin, sans me venir en aide. Prise de panique, je le gifle en me débattant et, surpris, il me pousse le long d’un arbre. Je m’y accroche en hurlant de peur. Des frissons s’emparent de tout mon corps et mon regard s’affole tandis que j’ai l’impression que le temps se dégrade autour de nous, bien trop vite pour que ce soit naturel. Le vent se met à souffler, une pluie fine s’abat sur nous, un grondement lointain se fait entendre. Les passants présents désertent la rue en courant pour se réfugier à l’abri. Quant à l’homme, il ne bouge pas, les pieds bien plantés sur le sol, me faisant face avec un demi-sourire carnassier aux lèvres. L’angoisse monte un peu plus en moi, jusqu’à me faire paniquer totalement. De la sueur perle sur mon front et dans mon dos, ma respiration rocailleuse se fait de plus en plus entendre, forte et rapide. Mes vêtements commencent à être humides, l’eau coule déjà sur mes jambes nues. Mon affolement augmente encore d’un cran lorsque l’inconnu s’avance d’un pas vers moi.
C’est à ce moment qu’un éclair puissant jaillit et vient s’abattre près de nous. Je sursaute de surprise, m’écrasant un peu plus au géant vert. L’homme, pas plus déconcerté que cela, avance vers moi, faisant redoubler mon stress, et alors un nouvel éclair vient s’écraser sur le sol à quelques mètres de mes pieds. Je lâche un cri de terreur, ce qui fait hurler de rire mon agresseur. Mon égo en prend un coup, mais l’homme se fait soudain frapper par la foudre et quelque chose en moi change. Je le sens au plus profond de mon corps et de mon âme. D’abord, une sensation de soulagement à voir ce grossier personnage se faire neutraliser de la sorte, puis une agréable chaleur m’envahit, quelque chose qui n’est pas naturel, mais ô combien agréable. Un je-ne-sais-quoi se réveille, il se déclenche en moi, comme s’il avait été mis en veille pendant trop longtemps. Ce dont je suis sûre, c’est que cette chose est puissante.
Mon corps ne tremble plus, le ciel se pare d’un ciel zébré d’orage. Une légère brise fait voler ma chevelure et je me sens presque euphorique bien que la panique sévit toujours en moi. Mon regard tombe sur l’homme qui gît au sol. Je le pousse du pied pour me rendre compte qu’il ne s’agit plus que d’un corps sans vie. La réalité vient doucement me taquiner et je m’enfuis à toutes jambes, de peur que les faits ne retombent sur moi. Dans un mouvement rapide, je retrouve le chemin de mon appartement.