3 ème chapitre - Le café des faux-semblants
Chapitre 3 - Mélodie
Ce matin, j’ai le dos cassé en me réveillant le matin. Je me sers un café en repensant aux événements de la veille, particulièrement à la réaction du propriétaire, qui m’a semblé totalement hostile à mon projet. Ce type me donne l’air d’être quelqu’un de buté au possible et je m’en agace déjà. Je récupère ma tasse et avale une gorgée de mon or noir, bien moins bon que ceux de la veille, je fourre un croissant dans ma bouche et enfile une tenue de sport. Malgré mon horreur pour les activités sportives, je me force à courir quelques kilomètres tous les week-ends ou presque. Soyons honnêtes, pas tous les week-ends en ce moment. De temps à autre, je change de parc, histoire de ne pas toujours faire le même tour sans cesse. Je ne suis pas une grande adepte de la monotonie.
Je visse mon casque sur mes oreilles et commence mon parcours, je vais un peu plus loin que d’ordinaire, un nouveau circuit ne me fera pas de mal et cela m’oblige à faire un peu plus de kilomètres. Mon organisme a besoin d’un petit décrassage. Il faut éliminer les verres de vin, la pizza et les cafés bourrés de crème, trop de gras.
La musique de Queen et ses notes entraînantes résonne dans mes oreilles et m’aide à garder un rythme soutenu. Je trottine sur quelques rues, avant de trouver enfin le grand parc dans lequel je vais faire mon tour. J’accélère un peu et emprunte un chemin qui borde une petite rivière longée par de nombreux arbres. De ce côté-ci, je suis à l’abri du soleil, et profite d’une vue agréable par la même occasion. Quelques minutes plus tard, au détour d’un virage peuplé d’enfants jouant à la marelle, mon œil est attiré par deux hommes habillés de noir. Les deux types sont un peu trop cachés à mon goût pour que ce soit naturel. Le duo se planque, c’est certain. Je ralentis la cadence, la curiosité est trop forte. Les deux hommes, capuches sur la tête, échangent une poignée de main un peu trop longue. L’un porte sa main à sa poche et resserre celle du second. Sans aucun doute, c’est une passe qui vient d’avoir lieu. Argent, drogue, informations compromettantes ? Peu importe, ce n’est pas mon problème. J’accélère de nouveau pour prendre de la distance quand les deux protagonistes se séparent. Le plus grand des deux tourne vers moi et je reconnais sans problème le patron du café « chez Nathan ».
Mon cœur s’emballe à sa vue, mais je suis choquée. Moi qui trouvais Nathan plutôt beau gosse malgré son allure rebelle - négligée, je le pensais bon, patron d’un café, serviable et attentionné. Pas quelqu’un qui se mêle aux malfaiteurs de quartier. Quoiqu’à bien y réfléchir, y a quand même deux ou trois types pas nets qui ont débarqué dans son établissement. Je suis profondément déçue, pourquoi d’ailleurs ? Après tout, je ne le connais pas plus que cela, ce n’est qu’un passager dans ma vie. Pas de quoi en faire toute une histoire.
Le parcours est bouclé plus rapidement que d’habitude lorsque j’emprunte l’escalier qui mène à l’étage de mon appartement et fonce prendre une douche méritée. Je commence à me détendre quand mon téléphone sonne sans arrêt. Je finis par sortir de sous les jets, agacée par la personne qui insiste lourdement. Mon humeur s’améliore quand j’identifie le contact en question.
— Kyle, que me vaut ce plaisir ?
— Je suis dans un taxi.
— Euh, ouais, super et moi sous ma douche, raillé-je.
— J’arrive chez toi, poupée idiote.
— Quoi ? Chez moi ? dis-je ahurie.
— Dans dix minutes. À tout de suite, lâche-t-il, la voix rieuse.
La surprise que voilà ! Deux ans que je n’ai pas vu mon ami autrement que face à une webcam. Je fonce dans ma chambre, tire sur mon tiroir et attrape des vêtements propres. Des sous-vêtements, un jean et un pull léger feront l’affaire. Je retourne en quatrième vitesse dans ma salle de bain pour sécher mes cheveux et les remonter en une queue de cheval haute. Je n’ai pas le temps de faire mieux, mais au moins, je n’accueillerai pas mon ami en serviette-éponge et chaussons.
Je n’ai pas le temps de penser à autre chose, que l’on sonne déjà à ma porte. J’active le bouton qui déverrouille l’entrée et dévale les escaliers pour aller à la rencontre de Kyle. Celui-ci m’attrape dans ses bras, avec un rire goguenard.
— Pourquoi tu n’as pas prévenu de ton arrivée, mon ourson ?!
— Pour te faire la surprise, petite écervelée que j’adore.
Je lui tape l’épaule d’un coup de poing moqueur, ce qui le fait rire à nouveau.
— T’es bête, j’aurais tout préparé.
— On s’en fout. On monte ?
— Bah oui, évidemment !
J’en profite pour le détailler. Kyle a la peau bronzée, il a aussi pris du muscle depuis ces deux ans sans le voir. Ses cheveux châtains sont coupés court et il est rasé de près. Il est plutôt séduisant dans son jean bien taillé, son tee-shirt près du corps et sa veste en cuir. Cela lui ajoute une petite touche rebelle que j’aime. Kyle adore être bien apprêté, et fait très attention à lui depuis toujours. Grâce à mon ami, je sais que mes journées se passeront dans la bonne humeur.
— Tu restes pour combien de temps cette fois ? le questionné-je en portant l’une de ses valises trop lourdes.
— Je ne sais pas encore.
— Ton nouveau patron en Nouvelle-Zélande est cool, dis donc.
— Hein ? Je n’étais pas sous contrat là-bas. J’étais en vacances.
— Ah bon ? Je n’avais pas compris cela.
Il ricane comme un gamin puis se vautre littéralement sur mon canapé.
— Je vais te préparer la chambre d’amis. Prends la salle de bain si tu veux. Tu dois en avoir envie après ton voyage.
— Merci, poupée. Je fais un saut sous la douche et je t’aide ensuite.
— Prends ton temps, tu connais la maison, lui dis-je, accompagné d’un clin d’œil.